Jean-Jacques « Tayak » BOURGADE
La fête est finie.
La faucheuse, cette salope, a encore frappé et nous arrache Jean-Jacques.
Oui, Jean-Jacques Bourgade. Non, c’est pas une blague. Oui, c’est atroce.
Cela faisait deux ans déjà qu’elle nous tournait autour, décimant les rangs de ceux qui comptaient parmi ses plus proches, son frère de sang, Kiki, son beau-fils adoré, Damien, un des ses plus fidèles amis, David… Elle nous tournait autour, et à chaque fois on disait pareil, « c’est bon, maintenant ça s’arrête, on a eu notre dose », mais non, tout ce temps durant, elle ne se contentait pas nous tourner autour, elle lui soufflait dans le cou, à LUI.
Et pour lui, maintenant, c’est fini. Et pour nous tous aussi, un peu, beaucoup…
On ne vous refera pas l’historique du Festival, on ne vous refera pas l’historique des Nuits, auscitaines et fleurantines… Ceux qui savent, savent. Ceux qui y étaient ont été marqué à vie.
De ses différentes vies, sa première vie gersoise où nos nuits étaient plus belles que vos jours, où il officiait, finalement, en tant que shaman d’une tribu hétéroclite de rockers, de bikers, d’esthètes pops, de paumés, de déglingués, de joyeux drilles et d’incunables romantiques, sa longue étape parisienne où ses amis prenaient plaisir à le retrouver sur place, là où il y avait toujours de la musique, toujours des concerts, toujours des découvertes à partager, son retour dans le Gers pour ce qui sera finalement, et définitivement, une des parties les plus heureuses de sa vie, auprès de Chantal, avec tous les copains retrouvés et les nouvelles aventures auxquelles il a eu tant de plaisir à prendre part ces 5 dernières années, de ses différentes vies chacun retiendra des moments, chers, passés avec lui. Il avait des coups de cœur qui pour le coup portaient toujours bien leurs noms, car chez lui ça venait toujours du cœur, jamais victime de la hype. On vous a dit qu’il était drôle ? Vous le saviez si vous le connaissiez. Marrant, même si je me souviens dans ses premières années derrière la platine à Duran que certains le pensaient grincheux car il avait une politique assez claire de « Parle à ma main » quand des danseurs éthyliques venaient lui réclamer tel ou tel morceau. Non, il était pas là pour te faire plaisir à TOI, il était là pour faire danser tout le monde. Mais si il refusait de passer du disque à la demande pendant les heures de boulot, il était ravi de parler avec toi du morceau en question une fois les lumières éteintes à Duran, et les cafés et les whiskies servis en terrasse du Rugby Bar au petit matin.
Je repense, là, de suite, à trois moments, parmi les centaines qui vont, j’en suis sûr, continuer à me revenir, comme à vous, dans les jours, les mois et les années qui viennent : son regard de gamin, espiègle et fier de lui quand il s’est rendu compte que oui, à la radio, on pouvait se permettre de dire les pires conneries, faire les blagues les plus foireuses, parce qu’on était entre nous, entre copains. Le plaisir qu’il a pris pendant ces émissions était vingt lieues en dessous du plaisir qu’on avait à être en studio avec lui.
Une soirée, tranquille, à Paris, rue Violet, à discuter du premier album de Calexico qui venait tout juste de sortir, et le plaisir pris à voir qu’il allait bien, qu’avec son nouveau rythme de vie les migraines étaient parties et qu’il prenait toujours autant plaisir à découvrir de nouvelles choses.
Et enfin, j’y reviens toujours, ce putain de concert des Pixiesau Palais des Sports de Toulouse, en 1991. Pas le meilleur concert du groupe, loin de là, un son relativement dégueulasse, Palais des Sports « style », mais une soirée partagée avec tous ceux à qui on n’a jamais assez dit merci, ils étaient tous là :Alex, la Kike, autant que je me souvienne même Touffine était là, et au milieu, impérial, JJ. La Team A de l’éducation musicale de la jeunesse par la danse.
Putain, qu’il était pas super le concert, mais bordel, qu’elle était mythique la soirée.
Alors à Chantal, à Laetitia, à leurs proches, à sa filleule, à tous ceux qui avaient déjà été gravement affectés ces dernières années par de trop cruelles disparitions, à tous ses amis, nous présentons les plus tragiques de nos condoléances et partageons avec vous la douleur de cette disparition.
C’est avec une immense tristesse que l’équipe du Son de la Nuit a appris, ce dimanche, le décès de l’un des siens — et non des moindres — Jean-Jacques Bourgade.
Il n’est pas exagéré de dire que, sans lui, le festival n’aurait sans doute jamais vu le jour.
En tant que DJ de La Nuit de 1987 à 1996, il nous a fait découvrir tant de groupes et de chansons qui ne nous quittent plus depuis. Il a su nous transmettre le goût du rock indépendant, à l’origine même de l’aventure du Son de la Nuit.
Il y a cinq ans, Jean-Jacques, notre mentor, est devenu un complice, un ami. Il nous a rejoints sans hésiter lorsque nous avons imaginé organiser notre première édition. À partir de ce moment-là, tout est devenu plus simple : sa présence, son expérience et sa bienveillance nous guidaient.
Quel bonheur d’avoir côtoyé celui qui nous avait tant émus derrière les platines, et de découvrir l’homme qui se cachait derrière le DJ.
Jean-Jacques était d’une gentillesse rare, animée par une soif constante de rencontres et de découvertes. Il avait cette capacité naturelle à mettre en avant le bon côté des choses et des gens. À chaque contrariété, il opposait sa bonhomie, son humour et son inébranlable optimisme.
Pour lui, l’humain était toujours au centre : la musique et la fête n’étant que prétextes pour nous réunir.
Malgré les épreuves de la vie et ses soucis de santé, il est toujours resté présent à nos côtés. Chaque mois, il animait nos émissions de radio, partageant avec enthousiasme sa curiosité intacte pour la nouveauté — cette même curiosité qu’il nous avait transmise, il y a déjà plus de trente ans.
Il a bien sûr participé, comme DJ, à chacune de nos éditions, mais aussi lors des préparatifs, épaulant Chantal, sa compagne, vers qui vont aujourd’hui toutes nos pensées.
Jean-Jacques, le chemin parcouru à tes côtés fut trop court.
Tu nous manques déjà, profondément.
Toute l’équipe du festival Le Son de La Nuit
